Le 23 novembre 2022, M. Darmanin, ministre de l’Intérieur et Mme Backès, secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté ont invité quelques organisations à une table ronde sur l’exercice du droit d’asile, lançant la concertation souhaitée par la Première ministre sur le projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration.
La Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), qui a pourtant élaboré 15 conditions minimales pour que le droit d’asile soit un droit réel adressées à la secrétaire d’État, n’y a pas été conviée. Les mesures annoncées ce mercredi sont loin d’y répondre. Pire, elles conduisent au détricotage du système d’asile français, créé il y a 70 ans, sous l’apparence de mesures de simplification et de décentralisation :
– Le rattachement de services de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à des lieux intitulés « France Asile » pour déconcentrer les services d’introduction des demandes et les entretiens personnels, pourrait placer de fait les personnels de l’OFPRA sous l’autorité des préfets. Son indépendance concernant l’instruction des demandes d’asile, garantie par la loi, serait ainsi remise en cause.
– La déconcentration de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et la généralisation du juge unique priveraient les personnes de la garantie d’être entendues par une formation collégiale. La présence d’une personnalité qualifiée nommée par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) parmi les trois juges fait aujourd’hui la spécificité de la Cour. De plus, la généralisation de la vidéo-audience n’augure rien de bon pour les personnes qui demandent l’asile.
– La prise d’une obligation de quitter le territoire dès la décision de rejet de l’OFPRA, est une absurdité qui ajouterait de la complexité à la procédure. Cela remet en cause le principe constitutionnel de l’admission au séjour des demandeurs d’asile jusqu’à la décision définitive. Cela conduira aussi à notifier inutilement une décision d’éloignement à des personnes qui vont se voir octroyer une protection par la Cour.
– En promettant de rendre la « vie impossible » aux personnes faisant l’objet d’une obligation à quitter le territoire et notamment en leur restreignant l’accès à l’hébergement d’urgence, M. Darmanin remet en cause le principe de l’inconditionnalité de l’accueil dans ces lieux.
– Le droit de travailler des demandeurs d’asile ne serait envisagé que pour certaines nationalités ayant un fort taux d’accord ou pour les demandes d’asile dont le traitement dure plus de six mois à l’OFPRA, ce qui est devenu rare. La France ne s’est toujours pas mise en conformité, malgré un arrêt de la CJUE de janvier 2021 et une décision du Conseil d’Etat de février 2022 avec les objectifs du droit européen, concernant l’accès au marché du travail des personnes demandant asile notamment« Dublinées »
A l’heure où s’expriment ouvertement des idées xénophobes et racistes, ce projet de loi ne répond pas aux enjeux auxquels le dispositif de protection et d’accueil des personnes qui demandent l’asile est confronté. La CFDA demande son retrait.